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Maire aides de la mairie

Et si peu à peu les marchands ont été remplacés, les antagonismes n'ont pas disparu. Philippe Lespinas, documentariste, s'est installé à deux pas du chantier. Avant d’arriver, il habitait à Bordeaux. “Un ami m’a parlé d’une maison à acheter pas loin d’ici. Une fois installé, j’ai fait venir deux autres copains”. C’est clair, le Tourne offre une qualité de vie rarissime. Le cadre est bucolique, le foncier pas trop cher, les magasins sont nombreux… Le tout à vingt minutes de Bordeaux. La campagne avec les avantages de la grande ville.


“Des personnes qui appartiennent à une certaine élite intellectuelle mais qui ne sont pas forcément riches ont repéré le bon plan et sont venu s’installer ici”, explique le journaliste. Et ils sont très nombreux à s’être établis dans la rue adjacente au chantier Tramasset.  Au point même que certains habitants du cru l’ont surnommé “la rue des cons”

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Assise derrière son bureau, Marie-Claude Agullana semble fatiguée. Conseillère départementale, elle est aussi maire du Tourne. Si elle connaît les rouages de la collectivité - elle y est élue depuis vingt cinq ans -, elle avoue qu’elle n’imaginait pas que c’était aussi dur.


“Même le dimanche, les administrés partent du principe que je dois être disponible”. Ici, elle gère tout : de l’accident de la route aux questions de subvention pour les associations. Le chantier fait partie de sa commune et elle a la charge des bâtiments classés où l’asso à ses locaux. Mais avec ses “budgets limités”, elle ne peut pas faire grand-chose.

Une explication valable qui cache aussi des rancunes plus tenaces. “La maire nous aime bien, mais les autres membres du conseil s’en foutent”, lance ainsi la vice-présidente du conseil Tramasset. Lors d’un précédent vote au conseil municipal, une subvention a été refusé au chantier. Le motif ? Pour certains, “l’ampleur du projet dépasse les capacités budgétaires de la commune”




Pour d’autres élu-e-s, le chantier “ne concerne que peu de personnes dans la commune”... malgré le fait qu’il soit le premier employeur de la municipalité et un centre névralgique de la vie locale. "On a un conseil municipal qui ne travaille pas beaucoup”, dénonce Martine Palto.

Comme un tiers des administrateurs de l’association, elle s’est présenté face à madame Agulanna et reste critique vis-à-vis de la majorité actuelle. Paul, le responsable du développement culturel, à lui d’autres rancoeurs. 
“Pour eux, on fume des pétards et on est payé à rien foutre”.

Eux, ce sont les boulistes qui jouaient jadis sous les halls. Tous les jours ou presque, ils sont plus d’une dizaine à venir tirer ou pointer à moins de cent mètres du chantier. Ici, on fait du sport la clope au bec. Et quand on gagne, c’est des tickets qu’on échange contre des bouteilles de whisky. “Mais on ne boit pas, c’est pour la collection”, plaisante un des joueurs. Doté d’une formidable moustache en brosse, il est joyeux… Jusqu’à ce que le sujet de Tramasset arrive sur la table. D’un coup, il se ferme. Les “gens du chantier”, il “ne les fréquentent pas”.

A vrai dire, ces tensions n’ont rien de nouveau. Au Tourne, deux cultures se sont toujours affrontées : celle de la terre et celle de l’eau. Au dix-neuvième siècle, déjà, c’était la culture paysanne des ouvriers agricoles qui s’opposaient à celle, plus bourgeoise, des négociants et propriétaires qui vivaient grace à l'activité du fleuve.